« Il entrait au théâtre par la porte de sortie, et comme on s’en étonnait, il déclarait : « Je m’efforce de faire dans ma vie le contraire de tout le monde. » » (Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres Tome II , Diogène Laërce, sur Diogène de Sinope1.)
Je pourrais m’arrêter à cette citation et je vous aurais déjà tout expliqué par rapport au cynisme et à mon chien. Mais vu qu’il me reste encore un peu de temps et que s’il y a une chose qu’une propriétaire de chien adore plus de son chien c’est de parler de lui, me voici. Le chien. Le meilleur ami de l’homme, seul être capable d’éprouver un amour inconditionnel pour notre race (quand, parfois, on n’y arrive même pas nous-mêmes) et fidèle jusqu’au bout de ses pattes. Le chien. Et puis, il y a le chihuahuas, que du chien ont juste emprunté le nom, peut-être lors d’un moment de confusion lexicale.

De fait, je suis convaincue que les chihuahuas soient les descendants directs de l’école des cyniques, dont le maître ce n’était rien de moins que ce Socrate fou (recension à 1 étoile laissée par Platon) de Diogène. Il faut savoir que Diogène se définissait lui-même, dans sa biographie instagram, un κυνικός. Pas bloggeur, pas artiste, mais bien cynique, qui prend son origine de kýôn, chien. Il aurait pu se définir une très belle licorne quand même mais non… Diogène se définissait chien bien qu’il n’était ni sous l’effet de drogues, ni le premier représentant d’un mouvement extra-genre (genX et Z, c’est juste une blague, pas besoin de promouvoir le droit de s’identifier à une licorne). Lui, était un chien, et il en était si fier au point de se présenter comme tel au grand Alexandre. Non, je ne déconne pas, imaginez-vous la scène telle que telle :
« Alexandre le rencontrant un jour, lui dit : « Je suis le grand roi Alexandre ». Diogène, alors, se présenta : « Et moi, je suis Diogène, le chien. » » (Ibid.)
Quelle a été la réaction d’Alexandre ? A-t-il rigolé et laissé tomber ce fou ? Eh bien, comme un bon millennial de quelques siècles en arrière, il a ignoré tous les signaux alarmants et il a commencé à nourrir pour ce bad boy une folle admiration touchant à l’obsession. C’est ainsi que buvant sa bière, après avoir reçu cette réponse de la part de Diogène, Alexandre lui dit : « te fréquenter ça ne me semble pas du tout être une bonne idée… donc, parle-moi plus de toi ». D’accord, peut-être qu’il l’a juste pensé, mais il lui a quand même demandé le pourquoi d’une telle définition.
« On lui demanda pourquoi il était appelé le chien : « parce que je caresse ceux qui me donnent à manger, j’aboie contre ceux qui ne me donnent pas, et je mords ceux qui sont méchants ». » (Ibid.)
Fair enough, la description de quelconque personnage d’un film de Tarantino. Diogène le gangster soutenait fermement l’idée qu’une vie qui vaut la peine d’être vécue soit une vie libre de quelconque prison créée par les normes sociales. En d’autres mots ? Lorsqu’il se définissait chien, il entendait chihuahua (ou vice-versa, lorsque les chihuahuas se définissent chiens, ils entendent en réalité cyniques). Très bien, si ce n’est que le philosophe et le petit diable sur terre n’adhèrent pas à la même philosophie de vie ou, du moins, pas entièrement. Mais peu importe, car je n’ai jamais vu un chihuahua s’impliquer complètement en quelque chose qui ne soit pas finir les croquettes dans sa gamelle… Je disais que Diogène se définissait un chien non pas seulement parce qu’il adorait être le Sid Vicious de son époque, ni parce qu’il (à ce qu’il paraît) faisait ses besoins (et bien d’autres choses) sous les yeux de tous… Il soutenait qu’être un chien signifie vivre en accord avec la nature, en suivant ses besoins naturels, en se libérant des constructions sociales et en se contentant de peu.
Voyez-vous le problème n’est pas ?
Le chihuahua souhaite vivre en dehors des constructions sociales, car il veut fonder son propre empire avec ses propres conventions. Un chihuahua se contente de peu, oui, mais son peu contemple 3 paniers, 1 poste sur le canapé, 3 snacks par jour (au minimum) et tout ce qu’il lui passe par la tête. Oui, car un chihuahua ne sait pas ce qu’il veut, mais il le veut, et il le veut maintenant.
Et pourtant, le cynisme et mon chihuahua m’ont sauvé la vie. J’ai compris avant tout que vivre bien signifie aussi prendre le risque de se libérer des restrictions qui nous sont imposées, mais aussi de celles qu’on s’impose nous-mêmes. Un exemple ? Pour les lois de la physique, un chihuahua qui fait 20 cm d’hauteur ne devrait pas être capable de monter sur un canapé de 70 cm d’hauteur. Mais, tout comme le bourdon, le chihuahua ne le sait pas, et il monte quand même sur le canapé. Même si c’est physiquement impossible, mais surtout car ça ne lui est pas permis. Comment se libérer de ses limites ? De la peur, de l’émotion qui paralyse ? Diogène affirmait que ceci n’est possible qu’en se contentant de vivre une vie simple qui soit conduite par la raison et les impulsions naturelles, en refusant les conventions sans gêne. En d’autres mots ? S’il y a un problème qui se présente, faut y faire pipi dessous et continuer sur sa voie, tout comme ferait un chihuahua. Peu importe que son problème soient vos chaussures.
Il n’y a plus rien qui me fasse peur maintenant, en premier lieu car mon chien c’est un chihuahua et, en deuxième lieu, car j’ai appris à être plus cynique. Qu’est-ce que ça signifie ? Que je suis toujours le même désastre que j’étais avant de connaître mon chihuahua et le cynisme, mais j’ai appris à en rire. Je suis le même désastre, mais j’ai fait la paix avec moi-même. Je suis devenue un désastre qui du moins est drôle. Un peu comme être à un entretien de travail, mais t’es un chihuahua, ton employeur c’est le facteur contre lequel t’as aboyé sans raison chaque jour, et il y a une pizza sur la table. Oui, un désastre, mais conscient qu’il y aura toujours une pizza à manger quelque part.
En conclusion ? Rebellez-vous, acceptez-vous, contentez-vous des choses importantes, laissez tomber les autres et soyez maîtres de vous-mêmes. Dis-je, pendant que je me prépare a sortir mon chien, sous sa requête, pour la troisième fois de suite.
- Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres Tome II, Diogène Laërce, éd. GF Flammarion, 1965 pp. 29-30.