Mannequins virtuels : lOdyssée de la Beauté entre Pixels et Humanité

Dans notre univers actuel où la frontière entre réalité er représentation s’amenuise, émerge une révolution silencieuse qui prétend « prendre d’assaut le monde virtuel » dans le domaine de la mode : l’essor des mannequins virtuels issus de l’intelligence artificielle. Cette (r)évolution suscite une profonde remise en question de notre compréhension de la beauté et de la vérité. Ainsi, à une époque où l’apparence triomphe et où la post-vérité règne (peut-il y avoir quelque chose de plus éloigné de la philosophie que notre ère ?), la philosophie millénaire de Platon et sa théorie des Formes trouvent un écho saisissant dans cette révolution esthétique.

Source: theClueless

Les mannequins artificiels : reflets imparfaits d’une idée/idéal esthétique

Selon Platon, notre réalité n’est qu’une représentation d’une réalité vraie et essentielle : les Formes (des concepts abstraits et parfaits) qui résident dans le monde transcendant des Idées. Le chien n’est pas seulement un chien, mais une manifestation possible parmi d’autres (blanc ? noir ? poil long ? grand ? petit ?) de la Forme unique du chien. Notre chien n’est pas LE Chien, mais UN chien, une manifestation de la forme ultime du Chien.

« L’égal en soi, le beau en soi, chaque chose en soi, autrement dit l’être réel, admet-il jamais un changement, quel qu’il soit, ou chacune de ces réalités, étant uniforme et existant pour elle-même, est-elle toujours la même et de la même façon et n’admet-elle jamais nulle part en aucune façon aucune altération ? Elle reste nécessairement, Socrate, répondit Cébès, dans le même état et de la même façon. »

Platon, Phédon

De manière similaire, les mannequins générés par l’IA pourraient être considérés comme des représentations des idéaux de beauté contemporains, des images façonnées selon des normes idéalisées, mais éloignées de la véritable essence humaine.

La quête de l’Essence Humaine au sein de la Virtualité

“We are dedicated to meticulously crafting AI models that go beyond mere appearances, capturing the essence of diverse personalities and experiences. ”

theClueless, AI modeling agency

La déclaration de l’agence créatrice des mannequins artificiels s’érige en une ambition louable : créer des avatars numériques qui transcendent l’apparence pour capturer la richesse des personnalités et des expériences humaines.

Nous nous heurtons à la contradiction consistant à représenter la complexité, la singularité et la profondeur humaines, ce qui nous rend humains (!), à travers un médium numérique qui demeure, en tant que tel, limité dans sa capacité à saisir l’intégralité de l’expérience humaine. Il s’agit de transcender les apparences au travers d’un médium artificiel qui construit des simulacres. Voyez-vous le problème ?

Ainsi, ces avatars numériques soulèvent des questions sur la vérité esthétique.

  • Sont-ils des références authentiques de beauté ou des simulacres déconnectés de la réalité ?
  • Leur perfection visuelle, bien que captivante, peut-elle dissimuler la diversité authentique et la richesse de l’expérience humaine ?

Capturer la singularité et la richesse des vécus individuels dépasse les capacités actuelles des algorithmes, soulignant les limites de la prétention à saisir la « véritable essence ».

Réalité, Illusion et Harmonie esthétique

La théorie platonicienne des Formes nous invite à repenser notre relation à la beauté. L’essor des mannequins virtuels incite à une réflexion sur nos propres perceptions. Au-delà des illusions visuelles, cette ère pourrait être une opportunité pour célébrer la diversité et rechercher une harmonie esthétique ancrée dans la réalité de la diversité humaine.

Dans cette danse entre réalité (humanité) et représentations numériques, les mannequins numériques nous enchantent telles les Sirènes d’Ulysse. Cependant, il est crucial de ne pas perdre de vue la véritable essence de la beauté ancrée dans la diversité humaine, une mélodie complexe qui enrichit notre expérience et essence humaine transcendant les artifices visuels.