Philosopher pour ne pas craindre la mort

Avant de comprendre comment la conception de la mort en Grèce antique change avec l’avent de la philosophie, c’est important de mettre en évidence deux traits très importants qui marquent cette conception pré-philosophique de la mort.

  1. La mort, outre être caractérisée par le terrible destin qui attendait le défunt dans l’inframonde, possédait aussi une autre caractéristique pour la conscience collective de la Grèce ancienne : elle était quelque chose d’inévitable.
  2. Les Grecs avaient pleine conscience de la finitude de leur vie ou, mieux, de leur mortalité. Ce deuxième aspect nous permet de remarquer que les Grecs possédaient donc une forte « conscience de la mort »1, qui est un présupposé indispensable pour pouvoir développer une théorie philosophique.

De fait, « ce n’est qu’une fois que l’homme a pris conscience de sa finitude, accomplie par la mort, qu’une réflexion métaphysique a pu prendre forme ».

Alexandrine Schniewind, La mort : Que sais-je ?, p. 10

Penser que la vie ait une fin, nous amène à penser à son contraire, car « la découverte de l’inévitabilité de la mort affecte l’homme profondément ; il ne peut sans effroi envisager de quitter la terre et ses splendeurs (…), mais l’éventualité (…) d’une certaine immortalité lui apporta réconfort et consolation »2. C’est pourquoi l’homme a commencé à penser aux Dieux et à l’éternel : pour pouvoir ensuite faire un retour sur soi-même et appréhender la vie différemment.

« L’homme libre ne pense à rien moins qu’à la mort et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie ».

Spinoza, L’Ethique, quatrième partie, proposition LXVII

De fait, le but principal de la métaphysique « depuis Platon est de nous rappeler notre participation à l’éternel et de nous inviter à dépasser ainsi la contingence et la finitude de la vie individuelle »3.

C’est pourquoi Schopenhauer conçoit la mort comme « le véritable génie inspirateur et le musagète de la philosophie (…) sans la mort, il n’y aurait sans doute pas de philosophie ».

Schopenhauer, Le monde comme volonté et représentation, supplément au livre 4ème, chapitre XLI

Tout comme le remarque Dupouey, si les hommes avaient été immortels, on n’aurait pas cherché du réconfort dans la philosophie, car « nous pratiquons la philosophie comme thérapeutique de l’angoisse »4 contre la peur qu’on éprouve face à notre condition mortelle.


À Suivre…

La conception de la mort chez les philosophes présocratiques.


1. Alexandrine Schniewind, La mort : Que sais-je ?, Paris, PUF, 2016, p. 9.

2. Jacques Choron, La mort et la pensée occidentale, Paris, Payot, 1969, p. 14.

3. Françoise Dastur, La mort: essai sur la finitude, Paris, PUF, 2007, p. 9.

4. Patrick Dupouey, La mort, Paris, GF Flammarion, 2004,, p. 13.